Dans l’introduction de son ouvrage « L’étoile jaune et le croissant » (Folio Gallimard, 2012), Mohamed Aissaoui écrit les mots suivants qui résonnent avec mon propre vécu de biographe :
“Je dis souvent : “écrivez, écrivez. Ou faites écrire votre histoire.” Je n’ose ajouter : un jour vous ne serez plus là, et qui alors recueillera vos paroles ? Elles s’envoleront ou seront balayées comme la poussière. À leurs enfants, j’explique qu’il faut tout conserver : lettres, photos, pièces d’identité, journaux intimes. On ne sait jamais, cela peut constituer des preuves, un jour. Des preuves, il en faut, parfois. On ne sait jamais. Les choses disparaissent si vite et on le regrette après. On le regrette toujours. Je l’ai observé tant de fois, tenez, hier encore, quand une amie a perdu sa grand-mère : elle s’est rendu compte qu’au fond elle ne savait rien d’elle. Je ne comprends pas mon obsession à retrouver des traces qui ne me concernent pas, ou de si loin. Je ne comprends pas, mais j’insiste. J’y passe beaucoup de temps. J’ai un penchant : j’exhume des noms oubliés comme d’autres chassent des trésors. Je recherche des existences sur lesquelles on a posé un voile de silence. Je fouille dans les souterrains de l’histoire. Je poursuis des ombres. Je remarque les silhouettes. Je suis le biographe des fantômes. Des noms depuis longtemps disparus me deviennent familiers. Je dis d’eux : je les connais, comme des amis perdus de vue. Parfois, il m’arrive même de faire découvrir aux familles des épisodes de leur histoire qui leur étaient inconnus.”
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